Cité de l’Espérance

«Ce trou à rats est un enfer toxique qui n’épargne personne», m’a un jour dit Michel de ce quartier dont il est maire, et où il a grandi. 

Des barbecues arrosés, des soirées endiablées et beaucoup de folie : voilà ce que je pensais trouver en découvrant la communauté gitane de la cité de l’Espérance, à Berriac, à quelques kilomètres de Carcassonne. En 2015, j’ai lié connaissance avec sa figure de proue, Michel Soulès, 60 ans aujourd’hui, seul maire gitan de France. Et je ne pouvais alors pas deviner que je continuerai d’y aller et venir cinq ans plus tard, jusqu’à la veille des élections municipales avortées de mars 2020. Au gré de mes séjours à Berriac dans les pas de Michel, je me suis plongée dans le quotidien des familles de la Cité, dans les caravanes et les pavillons enserrés de pylônes électriques et de lignes à haute tension, où trop de drames s’invitent à la fête. 

Bâtie à la fin des années 60 pour accueillir une communauté gitane qui logeait jusqu’alors dans une décharge à Cavayère, la Cité de l’Espérance vantait un avenir radieux à ses résidents. Quarante ans plus tard, la promesse a viré au cauchemar. Morts précoces, cancers à répétition, arrêts cardiaques, problèmes de fertilité, les gitans subissent et accusent la trop grande proximité d’un poste électrique – installé à seulement trois mètres de certaines maisons. Quinze d’entre eux, soutenus par le maire, ont décidé d’attaquer EDF en justice au printemps 2015, afin de faire constater les préjudices sur leur état de santé, liés, selon eux, à la présence des lignes à très haute tension. 

Six ans plus tard, le jugement se fait toujours attendre, mais nombreux sont les habitants de la Cité que j’ai vu tomber malades, développer des handicaps, ne pas revenir de l’hôpital. Tandis que la situation s’enlisait, j’ai vu aussi Michel, dont tous les grands-parents, le père et le frère sont morts de cancers, se battre pour le salut de sa communauté, afin d’accéder à un relogement salubre et pérenne.